Notre-Dame-Auxiliatrice : de la 1ère cérémonie en 1872 jusqu’avant la consécration de 1938
L’architecture : une église néogothique heureusement inachevée ?
Lorsque que l’agence des architectes Jean-Gabriel et Alfred-Louis Frangeul, père et fils reçoivent du « grand curé » de Saint-Malo J. Huchet la commande en 1867 d’établir les plans d’une nouvelle église pour le quartier en plein devenir de Rocabey / la gare / les Talards, ils ont déjà à leur actif de nombreuses réalisations dans Saint-Malo et ses environs, les plus marquantes étant l’achèvement du clocher de l’ancienne cathédrale Saint-Vincent qui donne un repère distinctif à l’Intra-Muros, les nouvelles églises de Saint-Méloir-des-Ondes, Ploubalay et beaucoup d’autres par la suite jusque dans l’île de Jersey (Saint-Hélier) et en Normandie (Vimoutiers).
Sans doute avaient-ils déjà élaboré le plan d’une église complète avec une façade, un transept et un choeur bien que le prudent curé de Saint-Malo ne leur avait demandé que de commencer par une simple nef capable de réunir les 600 âmes que comprenaient alors la paroisse, se laissant le temps de compléter par la suite au gré des circonstances et surtout en comptant sur l’augmentation du casuel qui résulterait de la croissance attendue de la paroisse.
La guerre de 1870 qui aurait pu être une première contrariété n’interrompit que pendant le six mois le chantier de l’église qui prend alors le vocable de Notre-Dame-Auxiliatrice suite à un vœu fait pendant cette guerre par les dames de la ville. Le chantier de la nef avança vite puisque dès le 18 août 1872, elle fut bénite par Mgr Brossais-Saint-Marc, archevêque de Rennes. Les architectes avaient livré une harmonieuse nef de cinq travées dans le style néogothique alors à la mode. Il semble toutefois que les ressources avaient manqué pour en finir tous les détails puisque les chapiteaux de la nef sont restés épannelés.
Comme à partir de 1877, des fissures étaient apparues bien que l’église ait été bâtie sur un soubassement apparemment solide, les architectes optèrent, après des réparations effectuées pendant trois années à une narthex et une façade à deux tours jumelles qui auraient pour avantage de conforter l’ensemble de la construction.
C’est alors que prit forme jusqu’en 1886, la silhouette de petite cathédrale de l’église de Rocabey que des flèches jamais édifiées devaient compléter et qui prépara le projet qu’un des architectes, Alfred-Louis Frangeul, réalisa une dizaine d’années plus tard, avec plus de bonheur, pour la belle église de Vimoutiers (Orne) qui peut être considérée comme son chef-d’œuvre.
Les dépenses imprévues pour la consolidation de l’église et la construction inachevée des tours eurent tôt fait d’épuiser les fonds disponibles et le seul travail notable avant la 1ère Guerre mondiale furent de doter la tour sud d’un beffroi et de trois cloches en 1894. Les photographies prises de l’intérieur à cette époque montre que la nef et ses bas-côtés étaient fermés par des clôtures provisoires car il restait encore à ajouter un chœur et un transept.
En 1909, on rêvait encore d’aménager dans l’église un sanctuaire propre pour la patronne paroissiale Notre-Dame-Auxiliatrice et en faire en quelque sorte une chapelle de pèlerinage. Si le vœu prononcé en 1870 avait été réalisé, il convenait d’entretenir la dévotion d’autant que 1878 à 1891, les hommes de la ville y étaient venus chaque lundi de Pâques. Après la loi de 1905 et l’affaire des inventaires, on se contenta, en 1911, de transférer la statue de la Vierge éponyme qui jusqu’alors trônait au maître-autel provisoire sur un autel dans le bas-côté nord de la nef là où il se trouve encore.
Cependant, la paroisse ne cessait de croître. Elle dépassa bientôt les 4000 habitants et en 1921, elle accueillait la moitié de la population de la commune de Saint-Malo d’alors, soit 5500 habitants. Lors des grandes fêtes paroissiales, pendant la saison estivale, cet embryon d’église devenait notoirement insuffisant. L’agrandissement était devenu indispensable.
On peut se demander en définitive si l’inachèvement de la première partie de l’église n’a pas été une chance, dans la mesure où ce style néogothique simple avec des chapiteaux épannelés sans sculpture permettait de juxtaposer une seconde partie dans un style de même inspiration mais plus épuré par sa modernité.